« A l’YCPF, il y a des gens de tous niveaux sportifs, de tous milieux sociaux et la convivialité est extraordinaire »
Une équipe renouvelée préside aux destinées du Yachting Club du Pays de Fontainebleau. Figure de la voile seine-et-marnaise, Danièle Lefevre en est la nouvelle patronne. Pour nous, elle fait le point sur les dernières actualités du « son » association et évoque le futur proche du plus puissant club du 77.
YCPF: En ce début de saison, donnez-nous les dernières nouvelles du Yachting Club du Pays de Fontainebleau…
Danièle Lefèvre : Nous avons un nouveau bureau, renouvelé au deux-tiers, très actif. Chacun des membres est très impliqué et l’ambiance de travail est excellente.
Vous avez occupé différents postes de dirigeante au sein du club, cette fois vous avez brigué la présidence. Pourquoi ?
La voile, la vie d’un club, l’YCPF, c’est toute ma vie. J’avais envie que ça marche, que notre communauté aille de l’avant. Je me suis présentée et j’ai été élue. C’est tout simple.
Vous dites que la voile, c’est toute votre vie. Quel est votre parcours de navigatrice ?
Je navigue depuis l’âge de 25 ans. J’ai commencé avec le Touring Club de France. J’ai été propriétaire d’un 470, d’un Maraudeur (petit habitable) et d’un Moth Europe (dériveur en solitaire). J’ai beaucoup navigué en eaux intérieures, rivières et lacs, mais aussi en mer, en Manche, en Atlantique, aux Antilles, etc. En régate, j’ai couru un championnat du monde de F15.
Revenons à votre mandat : comment s’est déroulé ce début d’année 2024 ?
Sur l’eau, l’activité a réellement débuté fin avril, en raison des intempéries. Ce n’est pas tant la pluie qui nous gêne car on fait un sport de plein air et il est normal d’être confronté à des météos « inconfortables ». Le vrai problème, sur la Seine, a été depuis des mois, le courant, très fort, qui empêche littéralement la pratique de la voile. Cela dit, en hiver, dans un club de voile, il y a toujours des activités « terrestres » à mener.
« Le nouveau ponton va nous changer la vie »
Lesquelles ?
Nous avons réglé beaucoup de sujets concrets. Après plusieurs années d’attente, notre Yole OK, petit bijou tout en bois, a été entièrement contrôlée, reconditionnée et revernie. L’abri fermé du grand auvent a été aménagé. Le rangement de la voilerie a été repensé.
A l’extérieur aussi il y a eu du mouvement…
Nous réorganisons notre parc à bateaux en cédant des coques, plus ou moins en bon état, à des particuliers ou à des clubs. Trois dériveurs sont déjà partis. Par ailleurs, nous avons poursuivi la rénovation d’autres bateaux, comme Jadran, futur bateau comité, ou la mise en conformité de remorques de route d’unités importantes, comme celle de Rêve-Claire. Nous avons aussi mis en déchetterie de nombreux matériels usagés ou déclassés.
Avez-vous de nouveaux projets en termes d’équipement ?
Nous avons rouvert le fameux dossier du ponton bois, qui devait être absolument traité. A cette fin, nous avons récupéré un ponton, d’occasion certes, mais en bien meilleur état que notre installation actuelle. Il va nous changer la vie dès ce printemps !
« Bientôt une formation "sécurité sur l’eau" »
Vous avez aussi mis l’accent sur la formation…
Notre cours initiation-perfectionnement à la navigation a été organisé en février, de même qu’une session préparation-armement du voilier. Une formation « Freg », du nom du logiciel de classement des bateaux utilisé par la Fédération française de voile, a été dispensée pour former de nouveaux adhérents à la gestion d’un comité de course. Toujours dans le domaine sportif, une quinzaine de membres se sont initiés aux règles de régates, expliquées par un arbitre fédéral.
On parle aussi de permis bateau…
Oui pour chaque membre volontaire, le club va prendre en charge, conjointement avec le comité départemental, une partie substantielle du coût du permis fluvial. Une dizaine de candidats se sont manifestés. En contrepartie, ils s’engagent à assurer la sécurité à bord de nos bateaux de service, lors des courses ou des événements qui ponctuent la vie du club.
On parle aussi d’une formation sécurité…
Effectivement, les nouveaux titulaires du permis fluvial, mais pas seulement, pourront être formés à la sécurité sur l’eau et aux premiers gestes de secours à terre. Cette formation sera assurée par des professionnels.
D’autres dossiers ont-ils été mis à l’ordre du jour ?
Oui, celui de la ligne de vêtements (polo et casquette), qui devrait être disponible avant l’été. Mais il reste encore à faire. Réparer des bateaux notamment. L’YCPF est propriétaire de 37 voiliers. C’est considérable, mais ça demande beaucoup d’entretien.
Sur le plan sportif, la première régate de la saison s’est donc courue le 21 avril…
C’était une course très difficile, avec un fort courant et beaucoup de vent. Menée par un nouveau comité de course, cinq manches ont été disputées. C’était magnifique à voir et tous les coureurs ont été emballés de pouvoir régater dans ces conditions.
Avez-vous des projets ou des idées qui vous tiennent particulièrement à cœur ?
J’aimerai développer encore plus l’esprit club.
« L’esprit club, c’est avoir envie de faire vivre la communauté »
C’est quoi, pour vous, l’esprit club ?
C’est déjà le plaisir de se retrouver avec les copains et de voir que chacun a envie, au fond de lui, de faire vivre le club, la communauté. C’est être content d’arriver le dimanche matin sur le parc à bateaux et de saluer les autres adhérents. Oui il y a un aspect amical très marqué dans mon idée d’ « esprit club » et je serais tellement triste si ça devait s’estomper voire s’arrêter.
Un club de voile est un club de sport. Comment cette réalité s’inscrit dans « l’esprit » ?
Il est évident qu’on s’inscrit au club d’abord pour faire de la voile. Pour en comprendre toutes les techniques quand on est débutant, pour se mesurer aux éléments ou aux autres, quand on est en phase de perfectionnement. L’esprit club intervient quand il faut aider les nouveaux, les initier, les embarquer à son bord. C’est aussi l’entraide, souvent oubliée dans la vie quotidienne. En course, on peut voir un concurrent donner sa bouteille d’eau à un adversaire qui n’en a pas ou un autre prêter une paire de gants à un coureur qui a oublié les siens. Je trouve que cette solidarité n’a pas de prix.
Vous décrivez un état d’esprit propre à la mer, à la pratique de la navigation en général, pas seulement à un club…
Oui probablement. En tout cas, ces valeurs sont les miennes. Quand j’ai commencé à naviguer, ça fait un petit moment (rires), on me disait déjà que la première qualité à avoir dans la voile, c’était la courtoisie. Entraide, courtoisie, amitié, ce sont des mots clés pour moi, et aussi au sein d’un club.
« La course est une excellente école »
Pour les adhérents, qu’apporte la pratique de la régate ?
La compétition est importante parce qu’elle permet de mesurer son niveau et de vérifier ses compétences. La course, c’est une excellente école et un révélateur.
Vous avez connu différents clubs, quelles sont les spécificités de l’YCPF ?
J’en vois une, qui m’étonne toujours. A l’YCPF, le brassage des gens est important. Il y a des sportifs, des moins sportifs, il y a des gens de classes sociales ou de culture différentes, mais ça n’entre pas en ligne de compte. Ce n’est pas toujours le cas dans d’autres clubs… Ici la convivialité est totale. C’est extraordinaire.
Si vous deviez résumer la voile en trois mots, quels seraient-ils ?
Jouer avec le vent et le courant, le fait d’être à égalité sur un même bateau : riche ou pauvre, chacun peut se noyer…
Euh… drôle d’image. Et puis ça fait plus de trois mots là et…
…je n’ai pas fini ! La voile c’est aussi l’esprit d’équipage à condition de bien s’entendre avec ses partenaires (rires). C’est enfin ne plus penser à rien
Comment ça ?
On monte dans son bateau et, à cet instant, on laisse ses soucis sur la rive. C’est une forme de lâcher-prise. On ne s’occupe plus que du vent, on fixe la girouette, on règle ses voiles, on peut passer ainsi 10 heures sur l’eau sans s’ennuyer. On ne pense à rien d’autres qu’à faire marcher son voilier.
Quelle déclaration d’amour à la voile !
La voile, c’est ça pour moi. Ça me vide l’esprit. Si l’on s’énerve, s’il n’y a pas beaucoup de vent et que l’on rentre, on ne profite pas. La voile, c’est une école de patience, une patience positive, pas subie.
« Dans le futur, il faudrait que les pratiquants soient moins consommateurs… Est-ce possible ? »
Comment voyez-vous ce sport dans les années à venir ?
Ça restera toujours une coque, une voile, le vent. Ce qui change, c’est la façon de pratiquer.
C’est à dire ?
On voit depuis plusieurs années, et dans tous les clubs, que les gens n’aiment plus la voile aussi passionnément qu’avant. Ils viennent, le voilier est prêt, ils embarquent, font leur sortie, rentrent au port et s’en vont en laissant le bateau en l’état.
Ce n’est pas un peu caricatural comme vision ?
Pas tant que ça. Dans tous les clubs, on voit monter cette tendance : l’adhérent est moins engagé et plus consommateur. On en revient à l’esprit club. Un club de voile, pour moi, ce n’est pas le Club Med.
Le consumérisme, l’individualisme, ce sont des tendances de toute la société, pas seulement des pratiquants de voile…
Peut-être mais j’aimerais qu’on revienne à certains postulats : respecter le matériel que l’on nous confie, ne pas ranger des voiles mouillées (encore faut-il avoir l’idée de les ranger…), prendre soin de son voilier quand c’est un bateau de club, un bien collectif donc. Est-ce possible ? Ce sont des principes qui ne sont pas dans l’air du temps. Pour moi ils sont nobles et d’actualité. Si, en 2024, on ne le comprend pas, je trouverai ça vraiment dommage. Mais je garde confiance (rires).
Propos recueillis par Bruno Clement-Bayer