Regate d'été
SHOW DEVANT
Alors que l’année 2023 s’annonce exceptionnelle pour l’YCPF en terme de conditions météo favorables à la pratique de la voile, le 25 juin avait, au matin, quelque chose de très (trop) ordinaire. Heureusement, Eole se ressaisit rapidement et cette troisième régate de la saison fut pour le moins animée.
C’est un débat sempiternel. Certains assurent que pèse une malédiction sur les régates organisées à l’YCPF. Soufflant sans discontinuer pendant des semaines, le vent prendrait un malin plaisir à disparaitre les jours de course. Faux, attestent d’autres coureurs, feuilles de statistiques à la main. Mais en ce 25 juin, même le comité de course, dirigé à quatre mains par Kim Staeger-Holst et Gwenola Pinvidic (respectivement président du club en exercice et vice-présidente sortante, peu suspects de céder à la première superstition venue), n’en menait pas large, vu les bulletins météo calamiteux qui s'accumulaient.
Le comité innova donc en proposant un parcours ultra compact d'environ 200 m entre les deux bouées, partant du principe que plus le circuit est court, moins il est difficile à boucler. A voir…
Voyant le tracé, des coureurs pensèrent qu’il serait encore plus difficile de se “refaire” en cas de départ manqué. D’autres regrettèrent de ne pas passer devant la plage de Samoreau, bondée en ce jour de festival Django Reinhardt, puisque le lieu accueille le "off" de la manifestation depuis des années. C’eut été une belle manière de faire la publicité du club. Peut-être. Fallait-il encore partir. Les quatre dériveurs (Ilca, Vaurien, Touring, 4,45) et les deux quillards de sport Flying Fifteen (F15) engagés s’y employèrent, avec des fortunes diverses.
L'air de rien ?
Dès le départ de la première course, les voiliers ramaient (au sens figuré, encore que…), le vent paraissant être aux abonnés absents, alors que les équipages étaient déjà sonnés par la chaleur et saoulés de coups portés par le soleil. Certains ne purent franchir la ligne de départ, d’autres entrevirent la bouée au vent sans jamais pouvoir la toucher (au sens figuré toujours) du doigt.
Sur le plan d’eau, on évoquait l’annulation des manches matinales, voire de la régate. Le problème (mais est-ce vraiment un problème, n’est-ce pas plutôt une partie de la solution ?), c’est que le vent, malgré les apparences, n’avait pas dénoncé son abonnement et qu’il était bien présent, n’offrant certes qu’un débit modéré. Suffisant en tout cas pour que deux voiliers bouclent toutes les manches à un rythme soutenu.
Deux voiliers aux antipodes et pourtant bord à bord
Comment expliquer cette partition de la flotte ? Parmi les deux leaders, on comptait certes un Ilca 7 (ex Laser). Parfaitement mené par Rocco Mennella, ce dériveur solo est un ultra léger gréé en cat boat (une seule voile). Son poids théorique est de 58 kg et au portant, avec la dérive remontée, sa carène n’offre quasiment aucune aspérité, aucun frein à l’avancement. On peut donc considérer qu’il est très adapté au petit temps.
Oui mais l’autre voilier à avoir bouclé toutes les manches est le K, un lourd F15 barré par Samy Baume. Avec ses 182 kg, le seul lest (quille) du "Fly" pèse trois fois plus que l’ensemble du Laser, lest qu’il faut trimbaler à pratiquement un mètre sous l’eau, au près comme au portant. Difficile donc de faire plus différent que ces deux machines à vent. Et pourtant ils naviguèrent bord à bord toute la journée ou presque. On en déduira que la voile est un sport magnifique, que la diversité est reine, que le vent, quoi qu’on pense, ne part jamais en vacances et que les superstitions, comme les promesses, n’engagent que ceux qui y croient.
Showtime
Non seulement le vent n’avait pas résilié son abonnement, mais dans l’après-midi il décida de faire la preuve qu’il avait bien la fibre régatière. Résultat, les esprits s’échauffèrent à mesure que la brise fraichissait, le parcours contracté ajoutant à la nervosité générale. Morceaux choisis.
Arrivant bâbord amure et donc non prioritaire, David Verillotte doit croiser derrière le K, le F15 qu’il n’a pas vu venir. Exaspéré, il lance à la barreuse Samy Baume : “ Mais c’est pas possible, tu peux pas t’annoncer non ? “ Suit un mot de cinq lettres, commençant par "m" et se terminant par "e" ("Mince").
Alexandra Lanciaux, qui navigue avec ses enfants à bord du Vaurien, a la sensation de voir le même F15, toujours tribord amure, foncer sur elle. Agacée, Alexandra s'adresse à Samy: “Un peu d’indulgence, quoi ! Vous êtes toujours en tête, nous on galère pour couper la ligne de départ”. Incompréhension à bord du K, qui n’avait pas l’intention de “sortir” le Vaurien.
“Non je n’ai pas touché la bouée !”. Hervé Frot n’est pas content. Les autres barreurs non plus. En chœur: “Si tu as touché !” De l’autre côté du plan d’eau on entend hurler :” Largue, laaargue”. Là-bas a-t-il touché, ici vont-ils couler ? C’est Thierry Lansier qui commande à son équipière Virginie Roublin (dont c’est la première régate) de choquer l'écoute de grand-voile, apparemment frappée au taquet. Il y a urgence car le 4,45 ressemble désormais à une sorte de "2,13", quasi couché dans l’eau par une grosse claque de vent. Miraculeusement, l’équipage parvient à redresser le navire dans ses lignes originelles.
Des quilles pour dégommer des bouilles ?
La décision de mouiller un parcours extrêmement raccourci n’avait pas été forcément du goût de tous. Dieu merci le comité avait tenu bon. Car dans la fournaise ventilée de l’après-midi, la plage de Samoreau ressemblait à celle de Deauville un 14 juillet, les planches en moins. Et une bouée placée, comme souvent, devant la guinguette, aurait eu des conséquences horribles. A commencer par celle d’inventer un nouveau sport, barbare, une sorte de bowling inversé, un bowling aquatique où ce serait les quilles qui dégommeraient les boules, qu'elles soient rouges ou blanches. Les rouges étant souvent anglaises, les autres n’ayant pas eu le temps de s’exposer au soleil. Oui le temps était tellement chaud qu’une foule de festivaliers s'était mis à l’eau et nageait parfois jusqu’au milieu du fleuve, là où les Anglais aux cranes dégarnis mais rougeoyants se détachaient si bien sur l'eau bleue. Qu’une bouée soit mouillée dans les parages eut été démentiel. Imagine-t-on un F15 d’une demi-tonne déboulant vers la marque au vent au milieu d'une cinquantaine de baigneurs, eux-mêmes barbotant vers une bouée jaune perçue comme une grosse frite verticale ? Un engin de plage sur lequel il est amusant de grimper. Quels strikes, quels carambolages, quels cartons en perspectives…
A propos de perspective, la prochaine échéance du club est vaste puisqu'il s'agit des fameux "10 km" de l'YCPF, organisés dimanche 3 septembre. Du petit temps est attendu et la température ressentie devrait atteindre 34°. On a une petite idée de ce que pourrait faire (et ne pas faire) le comité de course.
BCB