L’homme de la saison LUIS GONÇALVES
Sans lui, la saison n’aurait pas été ce qu’elle a été. Président du comité de course, il a organisé toutes les régates de l’année 2024. De main de maître.
YCPF : Depuis combien de temps es-tu membre de l’YCPF ? Est-ce ta première expérience de club ?
Luis Gonçalves : Je suis membre depuis deux ans. Mais j’ai une grande habitude de la vie associative, dans les domaines sportifs ou culturels.
Quelles sont tes compétences en matière de bateau et de voile ?
Elles sont faibles, c’est d’ailleurs pour ça que je me suis inscrit à l’YCPF. Pour apprendre. Professionnellement il m’arrive d’accompagner des équipages sur des grandes courses, mais je ne suis pas à proprement parler « personnel naviguant ».
Pourtant, tu as assumé cette année une fonction, celle de président du comité de course, qui demande de maîtriser le sujet et d’avoir un vécu de régatier. Pourquoi as-tu accepté ce rôle, parfois source de tracas, voire de fracas ?
Disons que… quand je me suis lancé je ne voyais pas l’ensemble du boulot qu’assure le comité de course lors d’une régate.
« Le comité de course est à la fois l’organisateur, l’arbitre
et l’auxiliaire de la fédération »
Alors avant de répondre sur ton engagement, explique-nous le rôle
du comité…
Comme n’importe quelle rencontre sportive, la régate, ou la course à la voile, obéit à des règles. Le comité organise concrètement, sur le « terrain », la compétition. Pendant l’épreuve, il joue un rôle d’arbitre. Apres la régate, il est plus que jamais l’auxiliaire direct de la Fédération française de voile : il calcule les résultats, les proclame aux coureurs, les officialise dans les serveurs de la fédération.
C’est vrai que ça fait beaucoup pour un seul homme…
Même si nous ne sommes pas nombreux, je ne suis pas seul dans ce comité, heureusement !
Revenons-en à ta vocation de président du...
Euh…vocation c’est peut-être beaucoup dire. Dans l’hiver 2024, le club a organisé une formation consacrée au comité de course. L’idée était de former de nouvelles équipes, l’ancienne ayant décidé de revenir à la régate « sur l’eau ».
Et ça t’a plu ?
Oui, j’ai découvert la voile sous un autre angle, un autre univers. Les règles de course, c’est un monde en soi, c’est un vocabulaire spécifique. La pavillonnerie, ce jeu de drapeaux que l’on hisse et que l’on affale afin de donner des informations aux concurrents sur l’eau, c’est un langage. Les procédures de départ, les pointages, le fait de classer en un résultat unique des bateaux différents qui ne vont donc pas à la même vitesse, c’est compliqué mais passionnant. Quand on est néophyte, on n’imagine pas toute la complexité inhérente à n’importe quelle régate.
« Je n’imaginais pas tout le boulot à faire, y compris
avant le jour J »
C’est compliqué et pourtant tu te lances…
Je me lance lors de la première régate de la saison. Même s’il y avait eu la formation, en réalité je n’étais pas vraiment préparé. Et encore une fois, je n’imaginais pas tout le boulot à faire, y compris avant le jour J.
C’est à dire ?
Quand tu arrives le matin de la compétition et que tu constates que les batteries des radios sont à plat, qu’il n’y a pas d’essence pour faire le plein des moteurs des bateaux de sécurité, que la sono ne fonctionne plus et que tu n’es même pas certain que les instructions de course ont bien été envoyées aux clubs et aux coureurs, tu te dis que la journée va être longue.
A-t-elle été si longue que ça cette première journée ?
Plus ou moins. Je pouvais m’appuyer sur deux anciens du club qui m’ont bien aidé.
Et puis j’ai fait le canard.
Le canard ? Faire l’autruche on connait, mais le canard ?
(Rires) Le canard glisse sur l’eau avec fluidité. Mais en dessous il pédale. Moi je pédale, je rame, je galope parfois mais j’essaye de na pas le montrer.
Raconte-nous quand tu galopes comme
un canard…
(Rires). Ce sont des pataquès liés à de l’inexpérience. Un voilier en solitaire est parti alors que le premier bateau de sécurité n’était pas opérationnel, moteur noyé. Le problème c’est que le voilier s’est retourné sous l’effet des bourrasques. On a finalement pu intervenir mais on a frôlé l’accident. Je me suis promis de ne jamais laisser partir un concurrent sans qu’une sécurité soit déjà sur le plan d’eau. Ce jour-là également, un des bateaux de sécurité donnait par radio des informations erronées à un bateau en course. J’ai dû intervenir pour faire cesser cette cacophonie. On a aussi commis des erreurs de pointage. Sans conséquence parce que l’on a pu rectifier le classement avant l’envoi à la fédération. Mais bon, tout ça est stressant. Quand je repense à ce premier jour, je me dis que je n’ai pas cessé de galoper...
Ça c’était ta première course. Les autres compétitions se sont bien déroulées…
A peu près oui.
Y compris cette régate « record » à 22 bateaux-départ, au mois de septembre…
J’avais déjà acquis de l’expérience. Et puis je me suis fait des antisèches.
Des antisèches dans un sport humide, pourquoi pas... Quel genre d’antisèche ?
Des fiches car j’ai peur d’oublier des informations importantes, notamment lors du briefing des équipages. Après, la répétition des taches fait qu’on maitrise de mieux en mieux l’événement.
Regrettes-tu de t’être lancé dans cette aventure ?
Pas du tout. J’apprécie cette fonction.
Avec le recul d’une saison, quels sont les moments de la course que tu « goûtes » le plus ?
La procédure de départ est la phase que je préfère. Tous les bateaux sont au contact, s’activent le long de la ligne, prêts à accélérer et moi je me dis que je n’ai pas intérêt à me louper. C’est un moment de pression pour le comité. Décompte du temps, pavillonnerie, signaux sonores, observation de la ligne pour vérifier qu’aucun coureur ne vole le départ ou touche un adversaire… C’est chaud mais quand ça se passe bien, je ressens une vraie satisfaction.
Es-tu un patron cool ou directif ?
Quand il n’y a pas de bateaux, je suis très cool. Quand les bateaux arrivent, quand les situations ne sont pas claires, je suis plus exigeant. La table de marquage est installée sur le quai. Les amis, les spectateurs, les curieux viennent souvent discuter et ça peut nous déconcentrer.
Souhaites-tu poursuivre l’aventure la saison prochaine ?
Si je navigue les jours où il n’y a pas de régate, oui. Ce qui serait bien, c’est qu’un ou deux membres viennent travailler avec moi. Si je suis absent, la course continue.
« Contribuer à faire vivre la course et donc le club,
c’est une fierté »
Qu’est-ce que tu dirais à ces adhérents pour qu’ils viennent te rejoindre ?
Que c’est valorisant de travailler au cœur de la régate, pour la régate. Et aussi que c’est une fierté d’être l’un des maillons de la chaine qui permet de faire vivre l’événement et le club.
Que penses-tu de l’YCPF ?
Il y règne une bonne ambiance. Comme beaucoup de clubs, il repose sur un petit groupe de bénévoles, membres du bureau ou pas, qui le font vivre et l’anime. A l’image de toutes les « assos », il est aussi menacé par un certain esprit « consommateur », mais heureusement nous n’en sommes pas là.
Ça te choque ce nouvel état d’esprit ?
Oui et il est probablement à l’image de la société en général. Mais, encore une fois, cet état d’esprit un peu « égoïste » est moins marqué à l’YCPF que dans beaucoup d’autres clubs. En tout cas, moi, j’essaye d’apporter ma pierre à l’édifice.
Propos recueillis par Bruno Clement-Bayer