UN LONG FLEUVE TRANQUILLE ?

Publié le par YCPF

Avec six bateaux au départ, on est loin du record de participation de la précédente régate, qui avait compté vingt-deux voiliers sur la ligne. Il est vrai que ce dimanche 6 octobre était marqué partout en France par des crues, incompatibles avec la pratique de la voile. A l’YCPF, on a pu malgré tout courir toute l’après-midi.

Au risque d’aller à contre-courant, et Dieu sait s’il faut le moral pour tenter l’expérience en ce moment, on avancera que le plan d’eau de Valvins ne souffre pas d’un manque de vent. Son souci principal est le courant. Phénomène nouveau par son ampleur et sa permanence, il n’affecte pas seulement notre bief mais tous les clubs (d’Ile) de France ayant la Seine pour terrain de jeu.

La troisième régate de l’année, le dimanche 6 octobre, n’échappa à la règle. Certes il fallut attendre toute la matinée pour voir la brise véritablement s’affirmer. Et quand le vent rentre, les bateaux sortent. C’est comme ça à la voile.

Vers 14h donc, quatre flying fifteen et deux habitables s’élancèrent pour une première manche d’un tour (soit un parcours théorique d’environ 1 km). Enfin s’élancèrent c’est beaucoup dire. Avec la bouée au vent mouillée à proximité de la station, la flotte partait non seulement contre une bise, parfois claquante, mais aussi en affrontant un courant puissant. Or, et c’est une autre maxime vélique, quand le courant turbine, les voiliers rament.

Suicide thérapeutique

Le courant est une plaie, qui pourrait finir par dénaturer l’esprit de la régate. L’objectif ne serait plus de franchir l’arrivée, si possible en tête, mais de couper la ligne de départ autrement que dans les dernières positions. Certains en ont fait l’expérience ces derniers mois. Et pas seulement à Valvins. De l’YCPF à l’YCIF en passant par tous les clubs seine-et-marnais, de nombreux régatiers ont bataillé des heures devant la ligne de départ. De guerre lasse, des équipages ont alors décidé de sortir les pagayes avec, pour sanction instantanée, une disqualification. Faut-il y voir une méconnaissance du règlement ? Non, plutôt un suicide thérapeutique.

Vent patchwork

On rétorquera que d’autres coureurs, quelles que soient les conditions, parviennent à s’extirper du piège, à exploiter le vent présent et à boucler le parcours. Comme pour terrasser le courant, ceux-là osent des trajectoires à toucher la berge et quand la brise vacille, ils savent éviter les flaques d’eau inanimées pour viser les taches de vent (on dit wind patches dans l’America’s Cup) fonçant la surface ou l’irisant selon les saisons, les nuages ou la lumière.

Ce dimanche la bruine plongeait la Seine et les bateaux dans une espèce de pénombre irréelle, sans pour autant masquer les patches ventés.
A ce jeu de marelle géant où les cases ne sont pas contigües, deux équipages locaux (Solazzo-Mortreuil et Dagommer-Lefebure), ainsi que le trio Kettler-Dinet-Richard menant l’habitable venu de Montereau, bouclèrent l’ensemble du parcours, la seconde manche ayant comporté deux tours. Les autres s’épuisèrent en vain en dessous de la ligne de départ. Tous les petits parisiens, qui apprennent quasiment à marcher dans le métro, le savent : il est amusant de vouloir remonter à contre- sens un escalator ou un tapis roulant. Pendant cinq minutes. Après c’est lassant, rasant, fatiguant. Bref « ça fait suer » résume, avec son petit cheveu sur la langue, l’un de nos adhérents.
 

Courant alternatif

Si ce jus infect persiste et continue à faire couler beaucoup d’encre (pour ne pas parler d’ancres, à l’image des marins de la Solitaire du Figaro qui les jettent quand la marée s’inverse et que le vent s’effondre), peut-être faudra-t-il adopter quelques mesures plus ou moins radicales.

Déplacer la ligne dans l’axe du ponton-grue, par exemple, éviterait de prendre le départ là où le flux est le plus fort, canalisé en quelque sorte par le pare-embâcle. On pourrait aussi inverser le sens du départ et partir systématiquement vers le pont de Valvins, même si le vent vient du sud, grosso modo du virage de la forêt. Ce n’est certes pas orthodoxe. Mais partir en courant est tout de même plus efficace que d’attaquer en reculant. Depuis la Grèce antique et la bataille navale de Salamine, ça ne fait aucun doute. Chaque équipage serait certain de prendre part à la course et aurait en tête non plus le stress d’avoir à couper la ligne mais la crainte de prendre un départ prématuré. Un comble. D’autres idées sont dans l’air.

Nous publierons bientôt sur le site une enquête sur ce phénomène préoccupant. La date de publication n’est pas encore connue. Avant la régate de la mi-novembre ? A voir. Nous vous tiendrons bien sûr au courant.

Bruno Clement-Bayer

Classement : 1/ Solazzo-Mortreuil ; 2/ Dagommer-Lefebure ; 3/ Kettler-Dinet-Richard ; 4/ Frot-
Jouffroy ; 5/ Rivoirard-Jouanno ; 6/ Brianchon-Chauvineau

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